Traduit de l’espagnol (Argentine) par Guillaume Contré
ISBN 9782960155938. 132 pages. 15 €. Août 2015.


Partie d’un triptyque consacré à la liberté, Merci suit la parution de Quoi faire, sorti en 2014 au Grand Os et qui avait fait parler de lui : «L’effet – la lecture – est évidemment hypnagogique. L’absurde et l’angoisse s’égalisent, l’humour reste comme suspendu, le sens échappe aux scrutations: seul subsiste et palpite le pur récit déglingué, où le même et l’autre se tirent la bourre, porté par la tension de l’inéluctable. C’est le premier livre traduit de Pablo Katchadjian, auteur né en 1977: espérons que les autres ne tarderont pas».
Claro


«Pablo Katchadjian est l’un des auteurs les plus intéressants de la littérature argentine contemporaine. On peut même dire qu’il est un des jeunes auteurs les plus intéressants, mais c’est sans importance. Ce n’est pas tant la jeunesse qui caractérise l’écriture de Katchadjian que sa nouveauté, en ceci qu’elle parvient avec aisance à déployer un air d’inédit si tant est que la littérature puisse se renouveler…»
Damián Tabarovsky





Merci

Pablo Katchadjian

Pourraient-ils ensuite arrêter d’être soldats? Ils chercheraient à convertir cette fonction en identité et par conséquent à continuer de se battre même quand l’ennemi aurait disparu. « L’ennemi ne disparaît jamais », me répondit Ninive.
Enfermé dans une cage en bois avec deux cents compagnons d’infortune, un esclave arrive dans une île.  De belle constitution, il est rapidement acheté par Hannibal, un maître local.  Ce dernier, assez libéral dans sa conception de leurs rapports, semble traiter son nouvel esclave avec la plus profonde humanité.  Tout en lui confiant la tâche la plus abjecte à laquelle un être humain puisse être confronté…
Trouvant des appuis auprès d’autres serviteurs, notre esclave deviendra l’artisan d’une révolte dont les conséquences le déborderont rapidement.
J’avais dû subir d’insupportables humiliations qui m’avaient incité à entreprendre une quête de liberté dont l’aboutissement avait été leur libération
Jouissive réécriture de la métaphore hégélienne du Maître et de l’Esclave, Merci déploie l’éventail des questions que soulève celle de la liberté.  N’est-elle pas in fine, parfaitement  réalisée, qu’un autre pan de la contrainte ?  Son principe même ne l’empêche-t-elle pas de prétendre à l’universalité ?  Peut-elle être imposée ?  Et puis, une fois cette liberté acquise, qu’en faire ?
Il nous suffirait de faire les choses correctement pour que la cendre ne progresse pas.
Mais surtout, se dotant de moyens formels neufs, l’auteur parvient à inclure génialement et en toute simplicité le lecteur dans le foisonnement de celles-ci. Arrêts abrupts de la narration, répétitions de pans entiers du récit, si ces « expédients formels » sont décelables dans le récit et lui donnent bien une « teinte axiomatique », ils n’en sont jamais démonstratifs, car venant en soutien direct de l’efficacité du récit.  Ainsi du suspense qu’il parvient à instiller chez le lecteur et qui, résultant de sa propre mise en scène, questionne ainsi directement les rapports que ce suspense suppose entre qui raconte et qui lit. Comme entre qui dirige et qui suit… En contant celle de maîtres et d’esclaves, Pablo Katchadjian, nous livre l’histoire intemporelle de la lecture et nous pose cette question essentielle : « Lecteur, ta lecture est-elle libre ?»
Plutôt morts qu’esclaves!



Pablo Katchadjian est un écrivain, poète et éditeur argentin né en 1977 à Buenos Aires, où il réside.